Arditi : Oxydation de l'hexadécane
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Thèse présentée à la Faculté des sciences de l'Université de Paris

pour obtenir le grade de Docteur es-sciences

par


Georges Arditi

 

Sur l'oxydation de l'hexadécane normal en système hétérogène

 

soutenue le 19 février 1941

 

devant la commission d'examen :

Pascal, président

Darmois, E., Dupont, examinateurs

 

 

HISTORIQUE

 

En 1868, BOLLEY et TUSCHMID ont pour la première fois, semble-t-il, observé que la paraffine blanche se transformait par chauffage à l'air en une masse colorée à odeur piquante. Quelques années plus tard, ces observations sont confirmées par JASONKEWITCH et, en 1879, HOPPE et SEYLER mettent en évidence la formation des acides acétique et butyrique lors de l'oxydation d'éther de pétrole en présence de copeaux de sodium. ENGLER et BOCK en 1880, remarquent que par insufflation d'air dans une huile chauffée, il y a dégagement de gaz carbonique, de vapeur d'eau et transformation de l'huile en un produit goudronneux acide. Ces auteurs notent en outre, que l'oxydation est accélérée par addition de soude caustique.

 

PEBKIN observe pour la première fois le phénomène de la flamme froide en faisant passer en présence d'air des vapeurs d'hydrocarbures saturés sur des surfaces métalliques fortement chauffées.

 

En 1884, SCHAAL fait breveter un procédé d'obtention des acides gras par oxydation de la paraffine et leur transformation en savons. Mais ce procédé est onéreux et ne reçoit pas d'application industrielle. DONATH, KISSLING, MARSCHALL observent, dans différentes conditions, des oxydations d'hydrocarbures saturés avec formation de produits résineux acides. UBBELHODE et EISENSTEIN, après trois jours de chauffage à 70°, transforment de la paraffine en un produit ayant un indice de saponification de 53.

 

SCHULZ établit la formation d'aldéhydes lors de l'oxydation de la paraffine en présence d'air à 280-300°.

 

Pendant la guerre de 1914-1918, les Empires Centraux, à court de graisses, essayèrent de transformer les carbures paraffiniques en acides gras. De nombreux travaux relatifs à ce sujet furent publiés après la cessation des hostilités.

 

BERGMANN, oxydant de la paraffine par barbotage d'air a 130-135° en présence de fer, obtint une masse cireuse riche en acides donnant une mousse savonneuse en présence d'alcalis. KELBER oxyde de la paraffine en présence de sels de manganèse comme catalyseurs par insufflation d'oxygène à 150° et obtient de l'acétone, tous les acides forméniques normaux de l'acide en C1 à l'acide en C10 ainsi que les acides myristique, palmitique en C17 stéarique, arachnoïque. Franz FISCHER et W SCHNEIDER, seuls ou en collaboration, étudient les conditions de la réaction, la nature des produits obtenus ainsi que 1’influence de catalyseurs métalliques.

 

GRUN observe une explosion lors de l'oxydation de la paraffine et pense à la formation d'un peroxyde instable. Charles MOUREU, Charles DUFRAISSE et CHAUX font une observation analogue.

 

Il faut noter, en outre, les travaux de LÖFFL, de FRANCK, de PLAUSON et VIEILLE, UBBELHODE et EISENSTEIN, de Francis FRANCIS et de ses collaborateurs ainsi que plusieurs brevets relatifs à 1’oxydation de carbures paraffiniques et à l'obtention d’acides gras

 

Parmi Ies publicatiqns plus récentes, nous mentionnerons celles de S. LANDA,de GUTT et PLOTKO, de ZERNER, de DORNTE, de RIECHE et de IMHAUSEN. Signalons, en outre, les importants travaux de G. CHAVANNE et de ses collaborateurs, relatifs à l'oxydation de carbures saturés définis des séries cyclopentanique et cyclohexanique en système hétérogène. Nous étudierons avec plus de détails, un peu plus loin, les mémoires de G. BLUNCK et de A. H. SALWAY et Percy Noël WILLIAMS qui sont relatifs à l'oxydation de l'hexadécane.

 

A la suite des travaux de MOUREU, DUFRAISSE et CHAUX en France et de CALLENDAR en Angleterre, nombreux sont ceux qui admettent que le produit primaire de l'action de l'oxygène sur les carbures est un peroxyde ; la théorie du peroxyde primaire explique certains phénomènes qui se produisent lors de l'oxydation des carbures, en particulier le phénomène du choc dans les moteurs et le mécanisme d'action des antidétonants.

 

Une des preuves expérimentales que nous ayons de l'existence de ces peroxydes consiste dans l'obtention, par une voie toute différente, d'un très grand nombre d'entre eux par A. RIECHE et ses collaborateurs. Ces savants ont montré que les produits de décomposition de certains peroxydes (les alcoylperoxydes) étaient les mêmes que ceux formés dans l'oxydation des hydrocarbures.

 

Cependant les peroxydes primaires n'ont jamais, à notre connaissance, été isolés dans le cas des carbures satures aliphatiques. Si cet isolement a été possible quelquefois, cela a presque toujours été à l'occasion de carbures non saturés. Et si MONDAIN-MONVAL et QUANQUIN, lors de l'oxydation de l'hexane à 305-310° ont signalé la présence de monoxydiméthylhydroperoxyde CH3 — O — O — CH2OH et d'oxyméthyléthylperoxyde C2H5 — O — O — CH2OH, il faut bien remarquer qu'il ne peut s'agir ici du peroxyde primaire, résultant de l'union directe du carbure à l'oxygène, mais d'un peroxyde concernant des produits de dé-gradation de la molécule primitive.

 

D’autre part, le peroxyde primaire .instable, responsable du choc dans les moteurs, résulterait d’une « précombustion» du carbure avant l'inflammation du mélange. C'est cette précombustion que nous nous sommes préoccupés d'étudier dans le cas des hydrocarbures saturés. Il nous a semblé qu'en nous adressant à un composé défini et en opérant à des températures peu élevées, il nous serait possible de. préciser certains points du mécanisme de l'oxydation de ces carbures.

 

Nous avons étudié la réaction, en système hétérogène, de l'oxygène sur l’hexadécane normal en l'absence de catalyseur. Cette étude a été envisagée tant du point de vue physico-chimique (cinétique, variations des constantes physiques...) que du point de vue chimique (recherche des produits de la réaction).

 

En faisant appel à la théorie du peroxyde primaire, nous avons pu expliquer les résultats de nos expériences et donner une interprétation simple du mécanisme de la réaction.

 

INTRODUCTION

 

De nombreux auteurs ont déjà étudié l'oxydation de carbures saturés définis, mais leurs recherches ont pour la plupart porté sur des systèmes homogènes, l'hydrocarbure se trouvant entièrement vaporisé à la température de l'expérience.

 

Nous avons déjà mentionné les travaux de CHAVANNE et de ses collaborateurs concernant l'oxydation d'hydrocarbures saturés définis en système hétérogène, mais ces études ont porté sur des carbures cycloforméniques. Les mémoires de G. BLUNCK et de Arthur Henry SALWAY et Percy Noël WILLIAMS qui intéressent précisément l'héxadécane normal, sont, à notre connaissance, les seules publications relatives à l'oxydation d'hydrocarbures forméniques définis en système hétérogène. Nous allons les étudier en particulier.

 

Dans son article intitulé «Obtention des acides gras à partir des paraffines», après avoir indiqué la présence nécessaire d'un autoxydateur tel que le fer colloïdal, G. BLUNCK signale que, dans le verre, la réaction ne va que jusqu'aux alcools cireux et que la nature du produit final dépend du produit mis en œuvre; ainsi à partir de l'héxadécane, l'auteur obtient de l'acide palmitique pur, à condition toutefois que la température reste comprise entre 120 et 150° et que la vitesse du courant d'oxygène ne soit pas trop grande.

 

Cette obtention d'acide palmitique en contradiction avec l'affirmation initiale que la réaction s'arrête aux alcools cireux, n'est l'objet d'aucune explication de la part de l'auteur dans son très bref article.

 

A. H. SALWAY et P. N. WILLIAMS étudient successivement l'oxydation de l'acide stéarique et de l'héxadécane normal en présence de stéarate de manganèse comme catalyseur. Ces auteurs, se plaçant uniquement au point de vue des corps obtenus lors de la réaction, constatent que les produits d'oxydation de l'héxadécane sont en tous points comparables à ceux de l'acide stéarique et ils concluent que lors de l'oxydation le carbure doit d'abord se transformer en acide gras correspondant. Signalons parmi les produits d'oxydation trouvés par ces deux savants, des acides gras solubles, les acides gras du terme en C6 au terme en C9, ainsi que des composés à la fois acide et lactone correspondant probablement à la formule :

CO2H — (CH2)n — CH — CH2 — CH2 — COO

 

Les résultats de ces différents auteurs sont assez peu concordants pour que nous ayons pensé pouvoir reprendre l'étude de cette réaction.

 

Nous allons montrer d'abord que l'oxydation de l'héxadécane, contrairement à ce qu'affirme BLUNCK, ne nécessite pas de catalyseur.

 

CONCLUSIONS

Les principaux résultats du présent travail sur l'oxydation de l'héxadécane normal en système hétérogène, peuvent être résumés de la manière suivante :     

A) — En premier lieu, nous avons mis au point un appareil permettant d'opérer à température et sous pression constantes pendant toute la durée de l'expérience. Cet appareil, d'une très grande sensibilité, a l'avantage de n'exiger que de très petites quantités de produit; il nous •a permis de suivre de façon sûre, par des mesures de volumes gazeux, l'évolution de la réaction et d'en étudier la cinétique.

B) — Nous avons montré que dès que l'action de l'oxygène sur le carbure est perceptible, on observe la formation de composés gazeux qui ne peuvent provenir que de la rupture de la chaîne hydrocarbonée.

C) — Nous avons établi que pour une température donnée, on peut reconnaître trois périodes pendant la durée de la réaction :

1° une période initiale où le phénomène est peu marqué et que nous appelons «période d'induction» ;

2° une période moyenne durant laquelle la vitesse d'absorption de l'oxygène reste constante ;

3° une période terminale où cette vitesse diminue et tend lentement vers zéro.

 

Nous ayons recherche, l'influence de la température surla vitesse de la réaction et constaté que la durée de la période d’induction diminuait lorsqu’on élevait la température. En outre, relativement à la période, moyenne, nous avons déterminé le coefficient de température et calculé l'énergie d'activation de cette réaction :

D) — Par l'étude des variations des constantes physiques de l'héxadécane avec la durée de l'expérience, nous avons retrouvé les trois périodes déjà observées précédemment.

E)     — Nous avons recherché la nature des produits obtenus lors de la réaction : les acides sont de beaucoup les plus nombreux, et, parmi eux, nous avons identifié, entre autres, l'acide succinique. La présence de ce diacide n'avait jamais été signalée auparavant dans les produits d'oxydation des carbures saturés normaux, par l'oxygène gazeux.

F) — La théorie de la peroxydation primaire nous a permis d'interpréter simplement la formation des produits obtenus lors de la réaction, d'expliquer l'existence de la période d'induction ainsi que celle de la période moyenne qui la suit.





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